Voyages : en matière de données, le secteur du tourisme est complexe à analyser. Pour 25 % de données structurées produites par une multiplicité de professionnels (sites internet corporate et e-shop des voyagistes, hébergeurs, restaurateurs, transporteurs et logiciels CRM et de gestion), on estime que les publications sur les réseaux sociaux, les albums photos, les avis et notes postés en ligne représentent les 75 % restant de données non structurées. Au-delà de l’analyse textuelle de tous ces contenus, la captation de la métadonnée (âge, sexe, origine des voyageurs) est cruciale pour y ajouter du contexte et donc de la valeur ajoutée. À l’instar de toutes les démarches marketing en ligne, l’utilisation de la donnée a pour objectif d’augmenter les ventes. Elle rencontre donc les mêmes limites : trop de personnalisation peut passer pour de l’intrusion et rebuter les consommateurs.

Le choc des photos

Quels outils aident les professionnels des voyages à rester en équilibre entre personnalisation de l’offre et intrusion ? Le site Voyage Privé a décidé de palier aux visites courtes des internautes et au faible taux de réachat de leurs clients en améliorant le plus possible les recommandations à partir des images consultées. En 2017 l’entreprise a développé un outil capable d’analyser les images visionnées par les internautes consultant son site internet : contiennent-elles une piscine, une rivière ou une plage ? À partir de cette analyse le site génère automatiquement des recommandations et adapte même l’image d’accroche des offres consultées. Derrière cet algorithme se cache une technologie de transfer learning développée avec Dataiku à partir de base de données d’images (Places et Sun) et une première couche de réseaux de neurones disponibles en open source. L’Usine Digitale explique : « Si un modèle est déjà capable de distinguer un chien d’un chat sur des images, il n’y a plus beaucoup de travail supplémentaire à effectuer pour que le modèle soit capable de reconnaître des lions. Ce qui permet de gagner beaucoup de temps […]. Voyage Privé a donc reconstruit un modèle de deep learning, à partir de ces bases de données et des premières couches d’un réseau de neurones qu’une personne tierce avait déjà construit sur la base de données Places. » L’innovation étant en phase de test, le voyagiste n’a pas encore mesuré les effets de cet outil sur les ventes.

L’IA fait renaître l’agent de voyages 

Internet a-t-il enterré la profession d’agent de voyage ou est-elle en train de la réinventer ? Pour répondre à sa stratégie de développement dans le service via le software, le géant IBM développe une nouvelle intelligence artificielle depuis 2005. Au départ, Watson a été programmé pour remporter le jeu télévisé de culture générale Jeopardy, qu’il a remporté 3 fois de suite en 2011. L’IA d’IBM est aujourd’hui un collectif employant 2 000 personnes et qui co-incube des projets annexes tels que Wayblazer dans le tourisme. Destinée aux professionnels du tourisme, cette plateforme est un trois en un : elle délivre des réponses en langage naturel aux requêtes des internautes, collecte des données pour comprendre leurs profils et concevoir les recommandations adéquates et les accompagne jusqu’à l’étape d’achat.
D’autres applications s’inscrivent dans la tendance du voyage « clé en main » : du GPS proposant des visites en réalité virtuelle à Google Trips qui suggère en temps réel des visites touristiques, des itinéraires et des restaurants à partir de nos emails et recherches en ligne : le concierge de voyages dématérialisés devient de plus en plus une réalité. Autour de la combinaison de ces nouvelles tendances, d’autres applications apparaissent pour le tourisme data driven. Ainsi, la jeune start up namR, a imaginé la projection de parcours ultra personnalisés issus de machine learning dans des cartes 3D interactives de villes, dont tous les éléments sont cliquables et contiennent de l’information.

Et demain ?

Dans un rapport de 2014, le World Travel & Tourism Council décrivait notamment deux tendances de fond dans nos sociétés : le refus de la prise de risque et la surconsommation d’informations dans le voyage. Et l’afflux de données et d’informations disponibles en ligne nourrissent ces tendances via les innombrables services d’analyse des risques, recommandations, avis, itinéraires, etc. De là à dire que le voyage est amené à disparaître ?
S’il est impossible de répondre à cette question, face aux attentes en matière de sécurité des voyageurs et aux exigences de préservation des sites touristiques, la réalité virtuelle offre des solutions intéressantes et à faible coût. Des start-ups comme Youvisit proposent déjà des visites virtuelles de lieux touristiques grâce à des lunettes de vision 3D. Et si on y ajoute les technologies de capteurs haptiques offrant des sensations physiques en plus de la vue, le voyageur de canapé sera comblé.